Eléments de base pour comprendre le marché de la photographie
Quel est le paradoxe du marché de la photographie ?
Le medium est simple, juste une image, mais le marché est assez complexe à décrypter. Nous allons tenter de le faire brièvement.
La photographie dans son ensemble peut être source de confusion pour les collectionneurs débutants : il y a des éditions (nombre de photographies dont le motif est identique) limitées ou illimitées, des tirages vintages suivis de retirages postérieurs puis de retirages posthumes. Une même photographie peut aussi être tirée en différentes tailles ou sur différents supports.
Il faut distinguer le marché de l’image et le marché de la photographie. De la même façon, il faut distinguer photographe et artiste. D’ailleurs, quand on se rend dans les grandes foires de photographies qui rythment le marché, on ne parle pas de photographe mais d’artiste.
Un petit marché
La taille du marché est quantifiable grâce aux ventes aux enchères de photographies car les chiffres sur les ventes des galeries ou les ventes entre marchands ne sont pas accessibles.
Selon Artprice en février 2017, il ne représentait que 2% des ventes mondiales du marché de l’art mais c’est un marché en expansion continue car les collectionneurs d’art contemporain en sont devenus clients.
Les caractéristiques du marché de la photographie
- On peut séparer le marché en trois domaines : la photographie ancienne (des origines aux années 1920), la photographie moderne (des années 1920 aux années 1980) et la photographie contemporaine.
Celle-ci pourrait être subdivisée en deux parties : la photographie actuelle et la photographie plasticienne.
- Le marché ignore encore certains photographes contemporains qui appartiennent à la photographie conceptuelle ou documentaire et que l’on peut voir dans les galeries, les expositions ou les festivals.
- Le marché de la photographie est un marché sain et non spéculatif. Il ne fonctionne pas, par exemple, comme celui de l’art contemporain.
Sur le marché de l’art contemporain, d’une part les prix ne sont pas toujours liés à la qualité des œuvres. Ils peuvent être déterminés par la notoriété du galeriste. D’autre part, il n’y pas pas d’art contemporain « bon marché » car le prix est un indicateur de qualité.
La visibilité donnée à un photographe assure sa cote. Sur ce plan, les galeries sont certes en pointe mais les musées, les historiens de l’art et les institutions qui attribuent des bourses ou des récompenses sous forme de prix s’engagent également pour mettre en valeur l’oeuvre d’un photographe.
Quelques records de prix :
Photographie ancienne
– La Grande Vague de Sète de Le Gray 1855 est la photographie ancienne la plus chère : 956 000 € (5 M de francs) – obtenu lors de la vente de la collection André Jammes chez Sotheby’s Londres en 1999.
– Bateaux quittant le port du Havre de Le Gray, 1856, 917 000€ (frais inclus) vendue par la maison de vente Rouillac à Vendôme en 2011.
Un autre tirage de la même photographie :
– Bateaux quittant le port du Havre de Le Gray, 1856, 867 000€ (frais inclus) vendue chez Christie’s New York en 2016. Il est difficile d’expliquer l’écart de prix. Mais il est sûr que le marché de la photographie ancienne est plus européen qu’américain.
Un petit point technique : Les photographies de Gustave Le Gray sont des tirages sur papier albuminé d’après un négatif sur verre au collodion humide. Comme c’est le cas pour la plupart des paysages marins de le Gray, deux négatifs sur verre ont été juxtaposés pour le tirage du positif, un pour le ciel, un pour la mer. Voir les explications ici avec les caractéristiques du négatif sur verre au collodion humide.
Photographie contemporaine
– Rhein II de Andréas Gursky, une vue du Rhin prise en 1999, adjugée 4,3 millions de dollars (soit 3,1 millions d’euros) chez Christie’s à New York en 2011.
Voir Pourquoi la photographie Rhein II d’Andreas Gursky a-t-elle atteint un prix record sur le marché de la photographie contemporaine ?
– Le cliché le plus cher jamais vendu pourrait être Phantom de Peter Lik : 6,5 millions de dollars (5,2 millions d’euros) en décembre 2014.
Mais du fait des circonstances de la vente et de l’absence d’intérêt artistique de la photographie les spécialistes du marché doutent encore de l’existence d’une transaction à ce prix.
Mais globalement le marché est calme.
Le marché de la photographie du XIXème siècle
C’est le marché des grands noms : Charles Nègre, Eugène Atget, Gustave Le Gray, Le Secq, Nadar, les frères Bisson, Charles Marville…
Une proposition culturelle en régression.
Il y a peu d’expositions sur les photographes du XIXème siècle surtout en France car ces artistes sont considérés comme étant trop peu attractifs.
Ceci a forcément des conséquences en forme de cercle vicieux :
– sur le renouvellement de ses amateurs : les jeunes collectionneurs ne les connaissent pas.
– sur les prix des tirages anciens : ils sont appelés à baisser.
Les musées français comme le musée d’Orsay ou la Bibliothèque Nationale de France n’achètent plus mais ils ont déjà constitué de grandes collections.
Il y a de moins en moins de galeries spécialisées car les grands collectionneurs disparaissent aussi.
Il y a une forte amplitude de prix pour la photo du XIXème siècle. Les prix varient de 1000 € ou 2000 € à des prix multiples de 100 000 €
Le marché de la photographie de l’entre-deux-guerres
La photographie au XXème siècle, comme la production d’œuvres d’art en général pour ce siècle, est structurée autour de différents mouvements :
– Elle se rattache à des mouvements artistiques comme Dada, le Surréalisme, le Constructivisme…
– Ou elle s’est constituée en mouvements photographiques : Nouvelle Vision, Straight photography (Alfred Stieglitz), Pictorialisme…
Les caractéristiques de ce marché :
– rareté des tirages d’époque,
– grands écarts de prix à l’intérieur de l’œuvre d’un photographe selon le motif de la photographie (de 10 000 euros à un million d’euros).
Man Ray, l’artiste le plus recherché du marché de l’entre-deux guerre
Les photographies de man Ray sont toujours considérées comme un investissement par les collectionneurs.
Portrait of tearfull woman a été vendue 2,2 millions de dollars chez Christie’s en mai 2017.
Mais le record actuel de Man Ray est le prix obtenu par Noire et blanche de 1926, 2,7 millions d’euros chez Christie’s Paris en novembre 2017. L’œuvre était estimée à 1 million d’euros. Mais elle a bénéficié de 2 facteurs qui renchérissent les enchères : une provenance prestigieuse ( en première main le couturier Jacques Doucet ) et sa mise aux enchères dans une vente de collection, celle d’un amateur éclairé, le réalisateur allemand Thomas Koerfer, qui en était alors le propriétaire.
La photographie de l’après-guerre et de la période moderne
Il faut savoir s’y retrouver dans le maquis des tirages vintages, des retirages modernes ou des retirages posthumes des photographies de cette période. Il y a évidemment de gros écarts de prix entre ces différents tirages.
La photographie des années 60 a vu apparaître la couleur.
Elle a mis du temps à être appréciée. Les maîtres de la couleur ont été vivement critiqués dans un premier temps et sont maintenant très recherchés : Jacques-Henri Lartigue, Saul Leiter, William Egglestone…
Harry Gruyaert a le vent en poupe actuellement mais ses clichés restent encore abordables, autour de 5000 €.
Le marché de la photographie contemporaine
Le marché peut faire de belles envolées quand la photographie trace dans le sillage de l’art contemporain.
Dans les ventes aux enchères, les montants atteints sont plus importants quand les photographies sont proposées lors de ventes d’art contemporain plutôt que dans des ventes spécialisées en photographie. En effet, les collectionneurs d’art contemporain ont souvent un pouvoir d’achat plus important et/ou se fixent moins de limites budgétaires.
Les artistes les plus chers du marché tels Andreas Gursky, Thomas Ruff, Thomas Struth (les 2 de Dusseldorf), Cindy Sherman, Jeff Wall sont représentées par les galeries d’art contemporain prestigieuses. Et leur cote s’en ressent.
Ci-dessus : Une photographie de Paul Graham vendue à la galerie Pace de New York, une des plus grandes galeries généralistes du monde, spécialisée en art contemporain.
Dans cette série, intitulée The seasons (les saisons), Paul Graham s’inspire de la série éponyme des peintures de Pieter Bruegel, célébrant la vie paysanne dans les Flandres au XVIème siècle (voir le titre évocateur de la photo ci-dessus). L’esprit de Bruegel est transposé par Graham dans le monde de la finance de New York au XXIème siècle.
Je découvre avec grand intérêt vos articles.
Merci beaucoup, j’en suis très heureuse…
j’ai en ma possession des photographies collotype au pochoir IOI à 175, route D153 Chaumont en Vexin Septembre 1978 de John Stewart. Je recherche la cote actuelle de cet artiste photographe, mort en 2017.
Vers quels experts je dois orienter les recherches? Merci de votre réponse.