Histoire de la photographie japonaise ancienne

Ce n’est pas un « cliché » de dire que le Japon a le goût des œuvres multiples. La peinture et ses pièces originales étaient collectionnées par l’aristocratie tandis que l’immense majorité de la population japonaise lui préférait un multiple, l’estampe japonaise, imprimée parfois jusqu’à des dizaines de milliers d’exemplaires.
La photographie, autre multiple, a été adoptée au Japon avec enthousiasme. Elle était aussi le symbole d’une modernité pour laquelle s’est enflammé le Japon à partir des années 1860.

 

Adolfo FARSARI - Portrait de jeune fille - Tirage albuminé -Photographie japonaise ancienne
Artiste : Adolfo FARSARI (1841-1898) (Cliquer sur l’image pour agrandir) 


Les 2 types de photographies anciennes au Japon

Mais il faut déjà distinguer 2 sortes de photographies : celle appréciée par la bourgeoisie japonaise pour réaliser des portraits de famille et la photographie de paysages et scènes de genre à destination surtout des voyageurs étrangers.

Pour la première, les techniques utilisées sont soit le daguerréotype, soit l’ambrotype. Ces 2 techniques étaient abordables financièrement pour la classe moyenne surtout l’ambrotype toujours moins couteux. Dans les 2 cas, il s’agit d’un positif unique destiné à rester dans la sphère familiale.
Le 2ème type de photographie, celui qui nous intéresse ici, provient d’une technique permettant de réaliser des tirages multiples : un négatif obtenu avec le procédé au collodion puis un positif tiré sur papier albuminé.
Par souci de réalisme et pour séduire les occidentaux amoureux du pays, elles sont, pour la majorité d’entre elles, colorisées à la main.

Ces photographies sont le plus souvent en excellent état, ayant été préservées du temps par la stabilité des techniques de développement et de colorisation. Achetées majoritairement par les occidentaux, elles constituent un témoignage de la passion d’une bourgeoisie riche et cultivée pour le Japon à partir des années 1870.
En effet, ce pays a été dès sa « redécouverte » par le reste du monde, considéré comme un conservatoire de traditions dont l’exotisme alimente l’imaginaire des collectionneurs. Ces images furent aussi une source d’inspiration pour les artistes du mouvement
appelé « Japonisme ». Cette source tout à fait avérée n’a pas encore été vraiment étudiée par les historiens de l’art.

NB : Nous préférons le terme « coloriser » à celui de « colorier ». Ces termes sont synonymes mais « coloriser » est surtout utilisé dans la sphère professionnelle.

Le nom japonais de ces photographies est Yokohama Shashin : explications

Le nom que les japonais donnèrent aux photographies est « Shashin ». Ce terme s’impose durant la 2ème moitié du 19ème siècle. Il existait déjà dans un autre contexte et signifiait « représentation du vrai ».
Les premiers studios sont ouverts en 1860 par des occidentaux. Ils ne sont situés d’abord qu’à Yokohama, seule ville ouverte aux étrangers. De là le nom que portent ces tirages « Yokohama shashin ». Par la suite, ils ne seront pas seulement produits qu’à Yokohama mais dans toutes les grandes villes japonaises.

Les ramasseuses de coquillages - vers 1880
Les ramasseuses de coquillages – vers 1880

 

 

 

Juste un peu d’histoire pour comprendre pourquoi le Japon est un des derniers pays « civilisés » à adopter la photographie.

La raison est à rechercher dans les racines de l’histoire du Japon.

Le Japon a un empereur depuis le 7ème siècle mais son autorité a toujours été très relative et souvent purement symbolique. Ce pays se montrait ingouvernable par un pouvoir central car toujours tiraillé par des guerres civiles : luttes entre seigneurs, clans ou coalition de seigneurs.

Diverses tentatives d’unifier le Japon en le dotant d’un pouvoir unique incontestable échouent. Une autorité dirigeante arrive à la tête du pays au 12ème siècle en la personne du shogun, sorte de gouverneur militaire. Mais les guerres entre seigneurs continuent.
En 1600, le clan des Tokugawa gagne une bataille déterminante et prend le pouvoir sur tout le Japon. Il crée un Etat féodal puissant qu’aucun seigneur ne sera apte à remettre en cause. Jusqu’en 1868, les shogun successifs seront des Tokugawa.
Le shogun est installé à Edo, l’ancienne Tokyo. L’Empereur est cantonné à Kyoto et n’a qu’un pouvoir purement symbolique.

Le japon, un pays verrouillé pendant 2 siècles et demi.

A partir de 1641, le shogun Tokugawa pratique une politique de fermeture totale du pays (sakoku) jusqu’au milieu du 19ème siècle. La loi interdit aux Japonais de quitter le pays sous peine de mort et interdit aux étrangers d’y entrer.
Le commerce entre le Japon et les autres nations est aux mains des Pays-Bas à la suite d’un accord entre les 2 pays. Mais la présence des commerçants Hollandais est cantonnée à l’ile artificielle de Deshima dans le port de Nagasaki. La Chine commerce également avec le Japon à partir du port de Nagasaki.

Le pays connait alors une ère de paix et de prospérité qui se traduit par la perte d’influence de l’aristocratie. La société reste basée sur un système de classes très cloisonné. Mais une classe bourgeoise de commerçants et d’artisan se développe à Edo. Elle devient la plus grande ville du monde derrière Londres à la fin du 18ème siècle.
Ces bourgeois prospères ont un goût très prononcé pour le divertissement : spectacles de théâtre Kabuki ou combats de sumo, fréquentation du quartier des maisons closes. L’estampe  » japonaise  » se développe dans ce contexte urbain et festif. Elle fonctionne comme un flyer qui annonce et/ou prolonge le souvenir de ces moments de plaisir.

Modernisation accélérée du Japon à l’ère Meiji (1868-1912)

En réaction à deux siècles et demi d’isolement total du Japon, préjudiciable au développement du commerce, les États-Unis envoient une flotte armée de canons en 1853, puis en 1854. Devant la menace d’un conflit violent, le pays interrompt le sakoku (fermeture du pays) et s’ouvre partiellement aux étrangers en 1859 avec la signature de traités de commerce.

L’ouverture aux étrangers rend le shogun très impopulaire et ébranle son autorité. Des seigneurs régionaux s’engouffrent dans la brèche et malgré la répression parviennent à abattre le gouvernement militaire et à restaurer le pouvoir de l’Empereur en janvier 1868.
Le centre économique et politique reste à Edo qui prend le nom de Tokyo quand elle devient la nouvelle capitale du pays.

Il s’en suit l’extraordinaire révolution de l’ère Meiji, unique en Asie. Le Japon bâtit un État fort et se modernise pour ne pas être absorbé par l’Occident.
Avec l’occidentalisation frénétique du pays à partir des années 1870, l’estampe issue de la gravure sur bois perd son statut de medium privilégié face à l’usage de la photographie qui enflamme le pays.

Artiste : Kozaburo TAMAMURA (1885-1895)


L’arrivée de la photographie au Japon

La photographie arrive timidement au Japon en 1848, date à laquelle le premier appareil photo (chambre à daguerréotypes) est importé au Japon. Les premiers tirages datent de 1850. Rappelons que la photographie est née en France en 1839, date à laquelle est annoncée l’invention du 1er procédé photographique par Daguerre qui est justement le daguerréotype.

Après l’ouverture du pays, le gouvernement militaire choisit Yokohama comme port d’accueil des étrangers, le reste du Japon leur reste interdit. Il s’y installe une population cosmopolite.
Les négociants occidentaux surtout anglo-américains construisent un quartier à l’européenne. Au début, les marchands japonais ne se mélangent pas aux occidentaux puis ils se joignent à eux, encouragés par le gouvernement.

Les premiers studios s’ouvrent en 1860 à Yokohama tenus par des occidentaux. De là le nom que portent ces tirages : « Yokohama shashin ».
En 1863, Felice Beato (1832-1909), anglais d’origine italienne, arrive à Yokohama. Il demeure le photographe le plus représentatif du genre par la qualité artistique et technique de sa production. C’est un nom que connaissent souvent les passionnés du Japon mais il est loin d’avoir le monopole de cet art naissant au Japon. Il faut considérer les autres photographes occidentaux et ainsi que les photographes japonais qui ont signé des photos superbes.

Car cette technique va attirer très vite des japonais qui viennent se former auprès des premiers studios occidentaux. A partir des années 1870, les japonais multiplient l’ouverture des studios à Tokyo et à Kyoto, ces villes restant interdites aux étrangers.
Leurs équipements sont alors les mêmes que ceux de leur concurrents occidentaux. Leurs tirages sont d’une qualité équivalente.
Puis les studios occidentaux perdent petit à petit leur suprématie. Ils commencent à fermer dans les années 1890 et auront tous disparu dans les années 1900. A ce moment là, les japonais règnent en maitre sur le marché de la photographie japonaise.

          Geishas danseuses Vers 1880


Peut-on parler de photographes, de studios ou d’ateliers de photographie ?

On peut parler indifféremment de photographes, de studios ou d’ateliers mais ceux-ci ressemblent à de petites entreprises.
Un photographe en nom propre est à la tête du studio. Il donne une ligne artistique au studio en indiquant la manière dont est faite la composition, voire la mise en scène des photos et la façon de les mettre en couleur ou de choisir de les laisser en noir et blanc.

Ces images sont totalement composées car :

– La technique de la chambre utilisée alors ne permet pas d’instantanés, le temps de pause étant trop long. Il faut donc installer le sujet dans une position satisfaisante pour le résultat à obtenir.
– Chez les étrangers, la demande est forte pour des images qui mettent en scène une vision romantique du Japon resistant à la modernisation. Elles sont donc composées pour répondre à la demande.
Paradoxalement, les estampes japonaises laissent apparaitre les transformations du pays. Certaines montrent des bâtiments de pierres rectilignes, des locomotives ou des japonais en costumes occidentaux car la clientéle japonaise apprécie beaucoup ces témoignages d’une modernité nouvelle.
Mais la photographie ignore totalement tous ces signes et propose le visage d’un Japon inaltéré par la marche du progrès.

Les photographes

Chaque photographe travaille avec un studio qui réalise les clichés et le développement. Et chaque studio possède un atelier de peintres pour la colorisation.

On peut citer les premiers photographes en activité au Japon entre 1850 et 1863, qu’on appelle parfois « les précurseurs ».

– Felice BEATO
– Le baron Raimund von STILLFRIED-RATHENITZ (1839-1911)
– Shimooka Renjo
– Kuichi UCHIDA (ca. 1844-1875)
– Hikoma UENO (1838-1904)
– Shimizu Tôkoku.

D’autres deviennent célèbres pendant la période 1875-1900 :

– Adolfo FARSARI (1841-1898)
– Kimbei KUSAKABE (1841-1934)
– YAMAMOTO
– Kozaburo TAMAMURA (1856-?)
– Kozaburo USUI
– Kazuma OGAWA (1860-1929) (prénom lu aussi Kazumasa)
– Seibei KAJIMA (1866-1924)
– Shin’ichi SUZUKI (1835-1918).

Mais des centaines d’ateliers existent à cette époque au Japon. Ils ont produits de superbes clichés. Beaucoup de photographes restent encore anonymes.

Le pont Kameido et ses glycines en fleurs - Tokyo vers 1880
Le pont Kameido et ses glycines en fleurs à Tokyo vers 1880


La technique utilisée pour la photographie japonaise : Collodion et papier albuminé

Chronologiquement, le Japon accueille d’abord les daguerréotypes puis les ambrotypes et enfin le procédé du tirage sur papier albuminé.

Les ambrotypes resteront très utilisés pour les tirages de portraits de familles. Rappelons qu’il s’agit d’un procédé qui fonctionne comme le daguerréotype : production d’un tirage unique sur une plaque de verre qui est doublée ensuite doublée d’un fond noir.
Cette technique était moins chère que le tirage sur papier albuminé. Dans les grandes villes comme Tokyo, la photographie devient ainsi un produit de consommation courant pour les familles grâce à l’ambrotype. Ces photos sont inconnues du marché de la photographie japonaise car elles sont resteront dans les familles.

Mais les tirages sur papier albuminé sont la technique de prédilection utilisée pour la photographie japonaise, celle qui fera les délices des visiteurs du japon à partir des années 1860.

Le papier albuminé est une invention du français Louis-Désiré Blanquard-Evrard en 1850. Il est utilisé dans le monde entier jusqu’aux années 1890 pour la majorité des tirages photographiques.
Des photographes célèbres ont utilisé ce type de positif. Nadar pour certains de ses portraits, Edouard Baldus et Roger Fenton pour leurs photographies de paysages et d’architecture en grand format l’ont apprécié pour sa très bonne définition.

Quand on parle de tirage sur papier albuminé, Il s’agit du positif. Le négatif est une plaque de verre traitée au collodion. De la taille de ce négatif dépend le format du tirage final.
L’image apparait par contact entre le négatif verre et le papier après que les deux aient été exposés au soleil pendant un temps variant entre quelques minutes et une heure selon la luminosité.

Les caractéristiques constantes du tirage sur papier albuminé

1) Bonne définition, bon contraste et bonne conservation de l’image
Les qualités de ce type de tirage ont fait son succès : une excellente définition de l’image (même avec les grands formats) et un très bon contraste.
La conservation est très satisfaisante car l’image est protégée de l’air par la couche d’albumine.

2) Finesse du papier
En raison de la finesse du papier, afin d’éviter le gondolement ou le tuilage, les tirages obtenus sont le plus souvent contrecollés sur carton

Adolfo FARSARI Karamon Iyeyasu - vers 1880
Adolfo FARSARI Le Karamon Iyeyasu vers 1880


Des photographies colorisées

La photographie est à cette période en noir et blanc.
La photographie en couleur n’apparaitra qu’en 1907 avec les autochromes, diapositives en couleur sur une plaque de verre.

En attendant, par souci de réalisme et pour séduire les amateurs, les photographies produites au Japon seront colorisées à la main à partir de 1860.
Cette pratique n’apparait pas au japon, on la rencontre dans tous les pays où les occidentaux ont importé la photographie à partir années 1850, comme en Egypte par exemple.

Chaque positif passe entre mains d’un peintre qui appose des couleurs. Ce processus artisanal rend de fait chaque photo unique.
La volonté des propriétaires de studios est que ces couleurs soient naturalistes, c’est à dire les plus fidèles possible à la réalité. Chez Beato, Renjô, Shimazu Tôkoku et Uchida cette intention est constante. Viendront ensuite d’autres photographes, comme le baron Von Stillfried dans les années 1870, qui vont privilégier le coté décoratif en utilisant des teintes beaucoup moins réalistes.
Le rendu des couleurs est ainsi un des moyens d’attribuer une photo à un photographe.

La mise en couleur va se généraliser à partir de 1875 et durera jusque vers 1905.

Une relation avec l’estampe japonaise ?

Il serait aisé de chercher dans l’estampe l’origine de la mise en couleur. Mais plusieurs arguments vont à l’encontre de cette hypothèse :
– Cette pratique de coloriser des photos apparait antérieurement aux années 1860 dans d’autres régions du monde.
– La technique est très différente. L’estampe est colorée à l’impression : la couleur est déposée sur les bois gravés en relief puis le papier est pressé dessus grâce à un tampon pour que l’encre imbibe le papier. Pour la photo, chaque détail de chaque tirage est coloré au pinceau.
– A partir des années 1860, la couleur dans l’estampe va évoluer vers des tons plus soutenus et très contrastés. L’arrivée d’un nouveau colorant, l’aniline, permet un rouge et donc un violet intenses. L’utilisation de ces couleurs caractérise la production des estampes de 1865 à 1895. Le rouge est extrêmement présent dans les estampes de l’ère Meiji. Cette couleur est un symbole du progrès, obsession du Japon obnubilé à cette époque par le modèle occidental.
Contrairement à ce modèle, les couleurs utilisées pour « peindre » la photographie resteront légères et réalistes et ne chercheront jamais à rivaliser avec l’estampe.

Felice BEATO Jeunes filles au bain - 1880
Felice BEATO Jeunes filles au bain – 1880


L’attribution d’une photographie à un photographe est difficile

On doit aux photographes occidentaux l’implantation de la pratique photographique au Japon. Ils ont aussi fixé les codes suivant lesquels était composée une photographie traitant d’un sujet japonais. Les images des photographes occidentaux donc parmi les plus recherchées. Mais il reste difficile d’attribuer une photographie au studio d’un photographe particulier.

Les raisons en sont les suivantes :

Aucun photographe occidental n’a passé toute sa vie au Japon, ce qui a des conséquences.
Quand un photographe occidental quittait le Japon, ses concurrents rachètaient ses plaques photographiques et continuaient à réaliser des tirages et à les vendre. De même, le stock d’images déjà tirées étaient vendu sous le nom du nouvel acquéreur du studio.

2 exemples qui illustrent cette difficulté d’attribution :

1) La Société de géographie française conserve un album en 5 volumes produit par le studio de Stillfried & Andersen. Il s’agit de l’un des exemplaires le plus complet au monde avec ses 350 épreuves photographiques réalisées et coloriées à la main en 1877 et 1878 dans l’atelier de ces photographes associés. Rappelons que le baron von Stillfried est un des photographes occidentaux les plus célèbres par sa production japonaise.
La provenance des négatifs ayant servi pour les tirages présentés dans cet album est édifiante.
Il s’agit de plaques de verre négatives fixées par Stillfried lui-même, auquel s’ajoute le fonds de négatifs de Felice Beato racheté par Stillfried en 1877, mais également de photographies d’autres photographes japonais.

2) Felice Beato s’éloigne de la photographie à partir de 1872. Le baron von Stillfried quitte définitivement le Japon en 1881. La même année, Kimbei Kusakabe (1841-1934), élève de Beato et Stillfried, ouvre son propre studio à Yokohama. Il rachètera quatre ans plus tard une partie des négatifs de ses deux maîtres et les retirera régulièrement.

De ce fait, l’attribution est délicate. Une attribution est sûre quand on retrouve un album signé par un photographe unique.

Kozaburo TAMAMURA Jeunes filles dans les iris - vers 1880
Kozaburo TAMAMURA Jeunes filles dans les iris – vers 1880


Les sujets de la photographie japonaise ancienne

Les sujets les plus représentés sont les scènes de genre et portraits de types populaires et les paysages.

Les photos représentant des personnes sont représentatives des types populaires que l’on peut croiser au Japon dans les années 1850-1890. Et nous insistons sur le fait que ce sont des types et non pas des individus qui sont représentés.
On trouve beaucoup de scènes de rue, de petits métiers (marchands, tireurs de rickshaw souvent tatoués, ramasseuses de coquillage…), des danseuses et des geishas (2 professions que l’on rencontre dans les maisons de thé, les réceptions et les banquets), des samouraïs, des moines itinérants….

Le nu dans la photographie japonaise

Un certain nombre de photographies montrent des femmes au bain. L’art européen cherche prétexte au 19ème pour montrer des nus (le renouveau des sujets mythologiques par exemple). De façon différente, le nu dans la photo japonaise cherche surtout à insister sur une coutume qui étonnait les étrangers : le goût des japonais pour les bains que ce soit dans les établissements de bains publics en simplement en sortant un baquet dans la rue.
Cette dernière pratique est interdite par le nouveau gouvernement en 1871 car elle le donnait du Japon une image primaire. Ces photographies sont de ce fait parmi les plus rares.

Le paysage dans la photographie japonaise

Les japonais ont d’autre part un goût immodéré pour la représentation de sites célèbres (meisho) tels les vues du mont Fuji ou des grands pont du Japon et de sites historiques (kyuseki) qui comprennent les temples et lieux sacrés . Les estampes d’Hiroshige et d’Hokusai en sont un très bon exemple.
Ce goût s’explique car le Japon a été fermé pendant plus de 2 siècles et qu’ainsi la population a pris la route pour visiter le pays. Les occidentaux voyageurs les ont suivi profitant des infrastructures largement développées (routes et relais.
Suite à cette tradition et à la demande occidentale, les paysages seront ainsi largement représentés dans la photographie.


Conclusion : photographie documentaire ou photographie artistique ?

Avec le début de l’ère Meiji en 1868, apparaissent dans le paysage réel de nombreux éléments qui trahissent la modernisation du Japon : voies ferrées, trains, gares, pont métalliques ou fils télégraphiques. Beaucoup de citadins s’habillent à l’occidentale et voyagent dans des calèches tirées par des chevaux.
Paradoxalement, l’estampe va s’emparer du thème de la modernisation alors que la photographie le bannie totalement.

Par exemple, le paysage rural disparait de l’estampe vers 1860 et le paysage urbain le remplace vers 1870. Les estampes montrent des architectures modernes, des personnages de type occidental se mélangeant à une foule japonaise encore en vêtements traditionnels.

Mais les portraits de « types japonais », les scènes de genres et les paysages photographiques vont rester figés pendant 40 ans offrant l’image d’un pays resté traditionnel alors que le quotidien des japonais s’est transformé.

Ce refus d’adhérer à la réalité contribue au classement de la photographie japonaise ancienne dans le registre de la photographie artistique plutôt que documentaire : elle propose pendant 50 ans une vision romantique et irréelle d’un Japon disparu qui fait rêver l’occident.

© Bettina Vannier – Photogamme – 2015 – 2018

Bibliographie

ESTEBE, Claude. Yokohama-shashin 1860-1900. Yellowcorner éditions, 2014. 221 p.

ESTEBE, Claude. Les premiers ateliers de photographie japonais 1859-1872.
Etudes photographiques [en ligne]. Décembre 2006, n°19. [Consulté le 25 avril 2015]. ISSN électronique 1777-5302. Disponible à l’adresse :
http://etudesphotographiques.revues.org/937#ftn3

CAMPIONE, Francesco Paolo. L’image de la femme dans la photo de l’école de Yokohama. L’Art de l’amour au temps des Geishas. Catalogue de l’exposition, Paris, Pinacothèque (6 novembre 2014 – 15 février 2015). Giunti Mostre Arte Musei, Florence 2014.